L’Egypte organise du 21 juin au 19 juillet 2019 la 32e édition de la CAN, une compétition qui s’annonce pleine de rebondissements dans les stades ainsi que dans les caisses des acteurs économiques de ce pays qui saisissent l’occasion de faire de bonnes affaires.
Cérémonie d’ouverture de la CAN 2019, 21.06.19 au Caire, le site info
Pour la 5e fois de son histoire, le pays des Pharaons abrite la coupe d’Afrique des Nations de football. Un record qu’il a atteint en organisant la 32e édition initialement prévue au Cameroun. Ce pays a été évincé à cause du retard enregistré dans la construction des infrastructures devant abriter les rencontres et ses participants, selon un communiqué de la CAF en novembre 2018. Un engagement qui reste en suspens car le Cameroun a encore une chance d’avoir l’organisation de la prochaine édition en 2021. Pour le moment, le pays cherche à combler le déficit des investissements dans les infrastructures sportives et hôtelières.
Fitch Ratings estime que le retrait de la CAN 2019 au Cameroun pourrait « renforcer les pressions existantes sur le secteur bancaire du pays ». L’agence de notation financière est l’une des plus grandes dans le monde. Elle s’est basée sur la faculté des investissements à résister aux variations économiques ainsi que la quantité et le type de dettes détenues par les sociétés qui investissent. Ses notations son reconnues internationalement et peuvent évaluer des produits très diversifiés (de produits spéculatifs jusqu’à la solvabilité d’un État).
L’agence précise toutefois que les effets du retrait de la CAN sur l’économie du Cameroun ne devraient pas directement être perçus cette année. Les investisseurs bénéficient encore d’une marge de la part de leurs créanciers pour le recouvrement des dettes contractées. Une pression qui va changer le centre des préoccupations :au lieu de mettre un accent sur la réalisation des projets en cours, les investisseurs vont plus se soucier de trouver une alternative pour respecter leurs engagements financiers auprès des créanciers.
Cette situation entraine aussi la baisse de la croissance économique nationale prévue, de 4,4% selon le FMI à 4,1%, une différence de 0,3 % qui n’est pas négligeable. Les domaines les plus concernés sont la construction, mais aussi le tourisme. Un secteur qui devait rapporter plus de 750 milliards de Fcfa selon le ministère du tourisme. Un investissement qui aurait produit plus de 1000 milliards Fcfa pendant la CAN. Un réel coup de main à l’économie nationale qui a été manqué par le pays des Lions indomptables. Une opportunité en or que l’Egypte concrétise pour ne pas laisser échapper une opportunité de booster la croissance stagnante de son économie.
Un temps record pour organiser la CAN
Pour organiser la première édition à 24 équipes au lieu des 16 habituelles, en moins de 6 mois, l’Egypte a misé sur son expérience dans l’évènementiel sportif. Les différentes délégations de la CAN ont pu voir une dizaine de stades et une vingtaine d’aires d’entrainement dont dispose le pays pour procéder simplement à une sélection. Un atout pour le pays qui n’a investit que dans la rénovation de quelques-unes de ces infrastructures sportives. Des dépenses évaluées par la CAF à environ 30 millions d’euros, une somme dérisoire face à plus de 2 milliards d’euros nécessaires au Cameroun pour l’organisation de la même compétition.
Une dépense bien gérée qui devrait rapporter bien plus à l’Egypte. En ce qui concerne ses droits en temps qu’organisateur, le pays dispose de 20% de tous les revenus générés par la CAN. Cette marge prend aussi bien en compte : la vente des billets d’accès aux stades, les retransmissions des matchs dans les chaines de télévision que d’autres paramètres comme les publicités sur le terrain. La CAN est aussi pour la nation des septuples champions d’Afrique l’impulsion significative pour son développement national.
L’Egypte fait face ces dernières années à une chute de la valeur de sa monnaie. L’inflation de la livre égyptienne est estimée à 12,71% en janvier 2019. La population frappée de plein fouet par cette fluctuation a vu son pouvoir d’achat diminuer depuis 2011, année du printemps arabe qui a renversé Mohamed Morsi. Le taux de chômage qui était élevé à cette période a connu une diminution mais est encore jaugé à 9% en 2019.
Ces pressions économiques endurées par les Egyptiens les ont poussés à dénoncer en avril 2019 les prix élevés des billets pour les matchs de la CAN. Ces tarifs sont jugés excessifs pour l’Egyptien moyen. Des revendications qui ont obtenues gain de cause. En mai le comité d’organisation de la compétition a revu à la baisse le prix du billet. « Le comité (…) a décidé de réduire le prix des billets de troisième classe pour les matches de l‘Égypte dans la première phase de la compétition de 200 à 150 livres (d’environ 10 à 8 euros) » pouvait-on lire sur son compte Twitter. Une réduction minime selon certains mais qui contente les supporters qui veulent être aux premières loges des matchs de leur équipe nationale.
Tous derrière les Pharaons, les supporters encouragent leur équipe, bbc.com
Les supporters des autres pays représentent des milliers de visiteurs qui seront séduits par les villes égyptiennes, leurs sites touristiques, leurs menus gastronomiques, et leurs espaces de détente. Généralement organisés en groupes, ils visitent les différentes villes où leurs équipes jouent. Avant ou après les matchs ils sillonnent les rues et achètent divers objets souvenirs, des actes d’achat bénéfiques pour l’économie des villes égyptiennes. Ils représentent une alternance au pouvoir d’achat décroissant des Egyptiens, chaque touriste de la CAN dépenserait en moyenne 1000 dollars pendant la compétition selon un organisateur de voyages égyptien.
Des touristes visitant le site du Sphynx,01.07.19, agenceecofin
Ce flux de nouveaux clients fait aussi développer de nouvelles activités dans les villes visitées. Les artisans et vendeurs d’occasion se multiplient dans les rues. Les jeunes, qui représentent 60% de la population égyptienne, sont les plus touchés par le chômage. Ils trouvent facilement du travail grâce à la demande commerciale forte pendant la CAN. L’industrie nationale a aussi mis les bouchées double. Les articles comme les drapeaux des différents pays, les écharpes, les banderoles, les maillots sont produits en grande quantité et mis à la disposition des supporters qui raffolent des gadgets aux couleurs de leurs équipes. Pour les supporters VIP, des services de sécurité se développent aussi. Des agences du pays leurs offrent du personnel de protection pour leurs différents déplacements.
Les autorités qui observent les émulations de près sont convaincu de l’impact positif de la CAN sur leur pays. Ils ont invité chaque acteur économique à se surpasser pour répondre aux attentes de cette période hautement stratégique pour l’économie nationale. Barakat Salfa, membre de la chambre de commerce du Caire affirme d’ailleurs qu’« accueillir le CAN aura un impact positif sur le marché commercial et améliorera le secteur ».
La CAN égyptienne est le fruit d’une volonté gouvernementale de promouvoir une image de marque de l’Egypte sur le plan continental et même au-delà. Sur presqu’un mois l’économie du pays va tourner à plein régime pour tirer son épingle du jeu. Une contribution à la réduction du chômage des jeunes qui sont les plus visibles dans les rues. La nation égyptienne espère un rebond économique engendré par la CAN et aspire dans un future proche à reprendre sa place de leader dans la région du Maghreb.