Le secteur avicole en Côte d’Ivoire connait une expansion qui lui permet de se positionner comme l’un des leaders de cette filière en Afrique.
L’un des poulaillers de la Sipra, sipra.ci
Depuis l’épidémie mondiale de grippe aviaire en 2005, la Côte d’Ivoire a mis en place des mécanismes pour développer sa production locale de volaille. Le protectionnisme instauré fait passer les droits de douane du kilogramme de poulet importé de 500 FCFA à 1000 FCFA. Sur les marchés il devient désormais plus cher que les poulets produits localement. Un encouragement pour les producteurs locaux qui investissent pour augmenter leurs cheptels mais aussi pour contrôler la production. Le cap de la modernisation des procédés de production est également amorcé.
« Nous sommes parvenus à surmonter cette concurrence sauvage qui nous était imposée. Et nous sommes satisfaits que cette mesure n’ait pas entraîné la moindre pénurie et la flambée des prix de poulets et d’œufs sur le marché national » indique Jean-Marie Ackah, président de l’Interprofession avicole de Côte d’Ivoire (IPRAVI). Selon lui, cette mesure a permis au secteur d’enregistrer un investissement de près de 5 milliards FCFA sur quatre ans.
Le résultat a été immédiat avec plus de 9 000 tonnes de viande de volaille produite en 2005. L’aviculture ivoirienne est passée à 20 000 tonnes en 2009 pour un chiffre d’affaires de 50 milliards FCFA, soit 10 fois plus que l’investissement. La production d’œufs a aussi connu un regain de production avec 800 millions d’unités contre 435 millions pour la même période. Les emplois crées par cette effervescence de l’activité sont estimés à environ 39 000. En outre, indique Ackah, le secteur a généré entre 2005 et 2009, plus de15 milliards FCFA aux cultivateurs de maïs et de tourteaux de coton, qui ont réalisé respectivement 24 000 ha de maïs et 33 000 ha de coton ces années-là. De 2011 à 2016, la Côte d’Ivoire ne s’est pas reposée sur ses lauriers. Sa production nationale est passée de 22 500 tonnes par an à 47 000 tonnes selon le Fond des Nations Unies pour l’Alimentation (FAO). Un développement qui a réduit les importations de volaille à leur plus simple expression.
De grands producteurs qui émergent
Le principal producteur, la Société Ivoirienne de Production animales ( Sipra), fondé par Jean-Marie Ackah, a étendu ses activités à toute la chaine de valeur de la production animale avec plusieurs produits phares. L’entreprise a même eu assez de ressources pour ouvrir une autre unité de production au Burkina Faso depuis 2015. L’évolution de ce marché avicole a aussi attiré l’attention à l’international. L’entreprise américaine de fast food KFC a ouvert en 2018 un restaurant à Abidjan et prévoit la construction de 4 autres au cours de l’année 2019. Aujourd’hui le secteur avicole compte plus de 3 000 producteurs et ce nombre s’accroit au fil des années.
Production journalière de CoqIvoire une marque de la Sipra, RTI, octobre 2017
Les plus jeunes s’intéressent à ce secteur porteur de l’économie ivoirienne. Ibrahima ben Aziz Konaté fait partie de ceux-là. Juste après son baccalauréat obtenu en 2013, le jeune homme se lance dans la production de poulets de chair. Il lance Volaille d’or, une entreprise spécialisée dans la production et la distribution des produits agroalimentaires dont la spécificité est de vendre du poulet à des prix concurrentiels. L’offre de l’entrepreneur cible les ménages en leur offrant des facilités pour avoir leur aliment. La livraison du produit fini est faite à domicile.
Une attention qui a conquis une clientèle devenue fidèle à Volaille d’or et les commandes augmentent rapidement. « A un moment donné, l’entreprise a eu assez de succès et il y a eu rupture de stock donc j’ai créé un contrat d’investissement pour permettre à mes clients d’investir dans l’entreprise » indique Ibrahima. Un chalenge gagné par le jeune entrepreneur puisqu’en un mois, il a pu avoir deux millions Fcfa de financement clients qu’il a pu rembourser avec des intérêts.
Ibrahima ben Aziz Konaté dans l’un de ses poulailliers, RTI, 2017
En moins de 5 ans d’existence, son entreprise brasse déjà plus de 3 millions FCFA par mois. Un chiffre d’affaires qui tranche avec les 60 000 FCFA, son capital de départ. Le jeune homme de 24 ans fait même de l’ombre à Coqivoire, produit par Sipra. Des ambitions, il en a plein la tête et veut étendre sa production à toute la sous-région Afrique de l’ouest.
En 2016, il remporte le prix d’excellence du meilleur chef d’entreprise de Côte d’Ivoire pour la catégorie jeune. Une distinction qui le pousse à redoubler d’effort pour atteindre son objectif « devenir milliardaire à 30 ans ». En 2018, il est cité par le magazine Forbes parmi les jeunes les plus prometteurs du continent. L’entreprise Volaille d’or est aussi appelée à diversifier ses activités dans la chaine agroalimentaire selon son créateur.
Le gouvernement ivoirien par son impulsion protectionniste a pu aboutir à un développement de son secteur avicole pour devenir le 2e producteur de sa sous-région après le Sénégal. Une opportunité qui a été saisie par les aviculteurs qui ont fait l’exploit d’accroitre la consommation annuelle de volaille des leurs concitoyens passant de 0,3kg en 2006 à plus de 2kg de nos jours. Un boom qui réduit aussi le taux de chômage de la population et intéresse aussi les jeunes. Une relance qui doit être contrôlée pour ne pas tomber dans le piège de la surproduction ou de maladies des sujets qui sont les réels dangers de ce secteur.