Après 5 ans au Crédit Suisse, Tidjane Thiam a donné sa démission le 14 Février 2020. Cet homme au background multiculturel au le parcours professionnel international fait la fierté de l’Afrique pour ses performances de redressement. Retour sur ses deux décennies de carrière et cap vers un potentiel retour aux sources?
De Descartes aux proverbes baoulés, un homme aux multiples cultures…
Né à Abidjan en 1962, Tidjane Thiam est issu de deux familles africaines très influentes. Sa mère était la nièce de Félix Houphouët-Boigny, père de la nation ivoirienne et premier président du pays. Il raconte comment l’ancien chef d’Etat l’avait personnellement forcé à étudier. Du côté paternel, son oncle Habib Thiam a été Premier Ministre du Sénégal pendant plus de dix ans ainsi que Président de l’Assemblée national. Son père quant à lui est journaliste et émigre en Côte d’Ivoire en 1947. Il soutien Félix Houphouët-Boigny dans son combat pour l’indépendance puie se lance dans la politique et entre dans le gouvernement ivoirien pendant près de dix ans avant de devenir diplomate ivoirien.

C’est pourtant en France qu’il effectue brillamment son cycle supérieure. Diplomé de polytechnique, il fini major de sa promotion à l’Ecole Supérieure des Mines à Paris et obtient ensuite un MBA à l’INSEAD.

Il débute sa carrière en 1982 comme consultant en management chez McKinsey avant de retourner en Côte d’Ivoire en 1994. Il devient alors Directeur Général du Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD) et travaille main dans la main avec le Premier Ministre et le Président. Dès 1998, il cumule également le poste de Ministre du Plan et du Développement.
Après le coup d’Etat de 1999, il retourne dans le secteur privé. D’abord chez Mckinsey puis Aviva en tant que Directeur Exécutif. En 2009, il est nommé Directeur Général de l’assureur britannique Prudential, devenant ainsi le premier africain à diriger une entreprise du FTSE 100 (les cent entreprises britanniques les mieux capitalisées cotées à la bourse de Londres). En Juillet 2015 c’est cette fois le Crédit Suisse qu’il est appelé à diriger faisant de lui une fois de plus le premier africain à diriger une entreprise bancaire de cette envergure. Selon le rapport des rémunérations dévoilées par le Crédit Suisse il aurait perçu un salaire de 10,1 millions de dollars en 2017.
Il reçoit le prix de banquier de l’année 2018 lors des Euromoney Awards de Londres pour avoir redresser la banque suisse. Il est également membre l’Africa Progress Panel, une fondation basée à Genève, autrefois présidée par Kofi Annan.
Tidjane thiam forcé à démissionné?
Lorsqu’il arrive à la tête de la banque helvétique en 2015, tous les espoirs reposent sur lui. Après avoir sauvé l’assureur britannique Prudential, il a désormais pour mission de redresser les bilans de la banques dont les choix stratégiques s’étaient révélés désastreux. Pour ce faire, Tidjane Thiam entame une restructuration achevée en 2018. Il réduit les coûts et oriente l’établissement dans la gestion de fortune qui est beaucoup plus rentable et recalibre la banque d’investissement.

Trois ans après le pari est gagné. La banque a retrouvé de la rentabilité et en 2018 elle est élue meilleur banque d’investissement dans les marchés émergents.
Pourtant malgré le soutien de nombreux actionnaires importants et d’excellents resultats le Franco-Ivoirien s’était fait beaucoup d’ennemis à l’intérieur de la banque. Notamment Urs Rohner, le président du conseil d’administration qui avait d’ailleurs été soupçonné d’avoir fait fuiter les noms des potentiels successeurs de Tidjane Thiam dans la presse.
En plus d’Urs Rohner, les conservateurs de la Suisse allemanique, à travers leurs médias, réclamaient son départ depuis plusieurs mois avec insistance. Ils aimeraient que la Paradeplatz, le « Wall Street » zurichois (c’est la place financière de la ville acceuillant UBS, le Credit Suisse et la Banque Nationale Suisse) reste suisse.

Le fait qu’il ne parle pas allemand les dérangeait et pour eux il voulait devenir suisse puis rentrer au conseil d’administration. Un article paru dans le quotidien Le Temps de Lausanne intitulé » Tidjane Thiam, le banquier qui n’était pas assez suisse » déclarait qu’il était brillant mais ne faisait pas partie des élites habituelles. Un observateur de la Paradeplatz ajoutait que « les suisses n’aiment pas toujours le têtes qui dépassent ».
Un paradoxe d’autant plus que les principaux actionnaires du Crédit Suisse sont tous étrangers et qu’ils soutenaient Thiam. En effet, la firme américaine Harris Associates et la société d’investissements anglaise Silchester International Investors (respectivement 8,42% et 3,3% des actions) ont menacé de ne pas voter en faveur d’Urs Rogner s’il ne supportait pas ouvertement Thiam. Plusieurs autres actionnaires tels que les groupes d’investissement qatari, saoudien et norvégien n’ont pas fait de déclarations officielles mais étaient favorables au maintien du directeur général.
Pour l’Agefi qui un quotidien de finance « Le plus désolant, c’est qu3 cette discussion ne se fonde pas sur des critères objectifs, mais quelle se mène sur des bases émotionnelles pour ne pas dire des questions d’appartenance nationales »
Le coup de grâce pour son mandat
Malheureusement, depuis Septembre dernier la banque est sous le feu des projecteurs à cause d’un scandale d’espionnage. La deuxième banque du pays a été forcée de reconnaître qu’elle avait eu recours à des détectives privés pour suivre le responsable de la gestion de fortune lorsque ce dernier a été recruté par leur principal concurrent UBS. Pour calmer le jeu, les directeurs des opérations (n°2 de la boîte) et de la sécurité ont démissionné en déclarant avoir mandaté les détectives de leur propre chef et à l’insu de Tidjane Thiam. Mais lorsqu’en Décembre dernier, la presse révèle que le Crédit Suisse surveille les activités de l’organisation Greenpeace depuis qu’elle s’était introduite dans une assemblée générale de la banque en 2017, l’ancien directeur de Prudential est obligé de démissionné.
Malgré le scandale, il conserve tout de même sa réputation. Celle d’un génie de la finance et de la gestion qui pendant deux décennies n’eut de cesse redresser les entreprises comme personne!
On ne voulait peut être plus de lui mais il est sorti par la grande porte! Le 13 Fevrier 2020, la veille de son départ, il a présenté ses résultats. Le bénéfice annuel net de la banque helvétique est en hausse de 69% (soit plus 3 milliards d’euros), le produit d’exploitation a augmenté de 7% (22,48 milliards de francs suisse), tous les indicateurs sont au vert, la banque a été restructurée et Tidjane Thiam quitte le Crédit Suisse sur un treizième trimestre de croissance consécutif ! Cest donc un bilan très positif même s’il voulait aller au terme de son mandat en 2021. Son histoire nous montre tout de même une chose, c’est qu’on peut réussir à l’étranger et faire une belle carrière mais qu’on est toujours malheureusement traité comme un outsider et ce quelque soit les résultats et le mérite.
Tidjane Thiam en route pour les présidentielles?
Malgré le fait que le désormais ancien patron du Crédit Suisse ne soit pas rentré dans son pays natal depuis 1999, il était autrefois pressenti comme Premier Ministre et est très apprécié des ivoiriens dont il fait la fierté.

Tandis que de nombreux groupes en faveur de cette idée pullulent sur facebook, ce que nous savons est qu’il a déclarer d’abord vouloir se reposer, il est actuellement en vacances aux États-Unis et avait dit ne pas vouloir occuper d’autres places de direction après le Crédit Suisse.
Va t- il rentrer en Côté d’ivoire? Compte t- il se présenter aux présidentielles de presidentielles 2020 ou de 2025? Certaines questionnent sa légitimité et sa nationalité mais ce qui est sûre c’est que le pays est toujours à la recherche d’un leader qui pourra inspirer et redonner confiance et espoir a la jeunesse comme l’avait fait Félix Houphouët-bobigny à l’époque.